Bon aujourd'hui, j'ai pas de sujet en tête. Donc je vais faire simple et dans l'air du temps : je vais recycler. Quoi on ne peut pas recycler les idées ??? Attendez je travaile dans la pub, on fait ça toute la journée !
Donc, voilà le texte d'une nouvelle que j'ai écrit pour un concours. Vous verrez rien de transcendant (j'ai pas été récompensé par le concours). D'ailleurs je viens de le relire et effectivement y'a du boulot sur le style. Mais objectivement y'a une idée quelque part. Bon, un peu proche de l'étranger de Camus...C'est vrai. ET là si vous voyez pas le rapport, relisez Camus (l'écrivain le plus "définitif" qui soit avec Romain Gary....et cet enc... de Martin Page - oui je sais je suis jaloux !!)
Comme un autre. Un soir comme un autre, au milieu d’un JT comme un autre. Aucun reportage choc sur des enfants abusés ou mourrant de faim à l’horizon. Non. Non, un jour qui aurait pu être l’exemple parfait de la banalité. Le jour-type en somme, le pavillon-témoin de ma vie.
Bien sur le flot de mauvaises nouvelles continuait à suinter sempiternellement du tube cathodique : une étude annonçait que les catastrophes naturelles dans le monde avaient augmenté de 12% en 1 an, la Chine venait d’augmenter le budget de son armée de 17,4% et faisait des déclarations menaçantes à Taïwan,…la routine en somme, rien de vraiment notable. Savoir qui allait réussir les castings de la Nouvelle Star captivait bien plus mon attention.
J’étais là, assis au pied de mon canapé, une assiette sur la table basse du salon où trônait un plat au goût standardisé mais qui avait l’avantage indéniable de se préparer en 2 minutes chrono. Cela me permettait de subvenir aux besoins de mon corps tout en ne loupant pas la moindre seconde de la série américaine que je suivais assidûment. Enfin des cas de force majeure (telles que le pot de départ d’une stagiaire sur laquelle a fantasmé l’intégralité du capital hormonal masculin de mon entreprise - et même j’en suis sur quelques unes de mes collègues féminines) m’ont fait passer à coté de 3 des 24 épisodes de la première saison. On ne pouvait donc pas dire que j’étais un vrai fan. Mais un spectateur assidu qui mettait sérieusement en balance une vie sociale prévisible avec les aventures de mes enquêteurs préférés.
Voilà le décor. L’action maintenant… Je n’ai pas compris tout de suite. Je sentais juste que quelque chose n’allait pas. Quelque chose de confus, de vague. Vous savez, comme quand on est persuadé d’avoir oublié quelque chose mais on ne sait pas quoi. Et tout d’un coup, ce poids, cette sensation de malaise indéfinissable, a disparu. Comme un interrupteur que l’on éteint soudainement dans votre tête, je me suis senti vidé, déconnecté.
J’étais toujours là, assis à regarder les infos, en apparence rien n’avait bougé, le monde n’avait pas vacillé sur son orbite, aucun tsunami n’avait déferlé dans mon appartement ikea-habitat-conranien mais je me sentais différent. La distance entre moi et le monde m’est apparue soudain beaucoup plus grande. Je me sentais un spectateur de moi-même, assistant du haut de la tribune au spectacle de ma vie, quasiment extérieur à mon corps. Les minutes puis les heures se sont écoulées. Rien ne se passait. Je ressentais cette impression de ne pas être concerné par les choses sans que cela ne m’inquiète. Et c’est justement cette non inquiétude, cet étrange état de sérénité qui m’a fait comprendre ce qui m’arrivait. Je suis allé dans ma DVDthèque. J’ai pris tous mes films préférés, les ai regardés les uns après les autres.
Le bilan était clair : je ne ressentais plus aucune émotion.
Toutes les scènes qui m’avaient émues aux larmes ou déclenchés des fous rires incontrôlables n’étaient dorénavant que des successions d’images sans saveur.
Le Kid de Charlie Chaplin m’irritait autant que les musiciens du métro. Il pourrait se prendre en main au lieu de pleurer. Cette Amélie Poulain qui ferait mieux de s’occuper de sa coiffure à la Mireille Mathieu sous ecstasy plutôt que d’espionner ses voisins et harceler de pauvres inconnus qu’elle prive de leur légitime droit au malheur. Ce Citizen Kane et son énigme débile. Rosebud. Comme si ça pouvait intéresser quelqu’un de savoir ce que voulait dire ce mot.
J’étais parfaitement conscient de l’importance de ce qui m’arrivait, mais cela ne m’inquiétait pas. J’ai actionné la télécommande. Mon écran s’est mis hors tension. J’ai tout laissé en l’état, les DVD traînant autour de mon repas inachevé. Je suis parti me coucher. Je me suis allongé tout habillé sur mon lit. Mon sommeil a été parfait. Une nuit sans rêves.
Le lendemain je suis allé voir un psychiatre. Puis un autre, et encore un autre puis toute la place de Paris et d’Europe m’a examiné. Non monsieur, ce n’est pas de notre compétence. Sachez donc que ce n’est pas une dépression selon tous ces spécialistes plus éminents et surs d’eux les uns que les autres.
Je souffrirai d’ataraxie mentale.
Mon cerveau pour se protéger ne me fait plus ressentir d’émotions. Unique, exceptionnel. Je les voyais se lécher les babines à la vue de mon cas. Nous sommes apparemment 5 dans le monde à l’heure actuelle à avoir ce mal diagnostiqué. Cela ne m’atteint pas.
Il n’existe pas à ce jour de remède connu à ma réaction. En revanche, tous les spécialistes s’accordent sur son origine : une réaction d’auto-défense. Un jour le cerveau décide qu’il a pris trop de coups, trop de pression, trop de stimulus. Comme si on avait un capital émotionnel que j’ai dilapidé trop vite. Il s’est donc mis sur off, est parti en mettant la clé sous la porte. Il ne traite plus les informations émotionnelles qu’il reçoit. Et personne ne connaît de briseur de grève assez puissant pour l’obliger à reprendre le travail. Pas de caisse noire de l’UIMM à ma disposition.
J’ai laissé le monde médical dans un coin avec leurs mains moites et leurs regardes lubriques : ils voyaient en moi le sujet de leur prochain article qui allait leur assurer à coup sur la gloire lors du buffet de dessert au prochain colloque international des chercheurs qui ne trouvent rien, avec les subventions qui vont avec bien entendu. J’ai frustré leurs désirs d’explorer mon appendice cervical, les ai contraint à l’onanisme médical. Tout ça ne me disait rien.
Je n’ai plus donné suite aux appels des neurologues avides de prix Nobel et pour qui j’étais un cobaye parfait. Pourtant ils m’ont décrit mon état en utilisant des phrases définitives, comme savent le faire si bien les gens cultivés. Des mots sans concession destinés à m’effrayer. Ce qui prouve bien leur incompétence. Je suis, selon eux, imperméable à toute émotion : comment croyaient-ils arriver à m’impressionner ? C’était pathétique de les voir qui s’agitent dans tous les sens en faisant des moulinets démesurés dans leurs costumes de marques que l’on dirait à chaque fois taillés trop grands pour eux. Je crois que c’est avec eux que j’ai commencé à me sentir étranger aux hommes.
Mon métier n’en soufre pas. Au contraire, je n’ai jamais eu autant de félicitations. Mais toutes ces tapes dans le dos résonnent creux en moi..
Je travaille dans les ressources humaines. Selon mon boss, soudain dithyrambique sur montravail, il n’y a pas meilleur que moi pour gérer les plans de licenciement. Je supporte ça mieux que personne parait-il. J’arrive à « faire la part des choses ». Forcément, je m’en fous. « 25 ans de boîte, 4 enfants, un mari alcoolique et on vous met à la porte avec juste les indemnités légales. Que voulez-vous, les temps sont durs pour nos actionnaires et il faut compresser le personnel. Mais nous travaillons à vous réinsérer. Nous avons pour vous une proposition d’emploi à 600 kms de votre famille. Vous n’acceptez pas ? Alors je suis désolé mais si vous n’y mettez pas du votre,…. Moi je ne peux rien pour vous. Voilà l’adresse de l’ANPE dont vous dépendez. Courage pour vos démarches »…… Pas de problème pour moi. Au suivant. Mes collègues viennent au bureau avec un nœud dans l’estomac quand il faut faire ça. Je comprends. Je me rapelle que j’ai déjà ressenti ça. Mais cela me semble déjà si loin et si absurde.
Attention je fais bien semblant. Je compose parfaitement devant les autres. Extérieurement ça ne se voit pratiquement pas quand on ne me connaît pas bien. Pour les autres, je porte un masque d’humain très crédible. A part, m’a-t-on dit un regard plus neutre, plus froid, plus « métallique ». Le vrai changement est au-dedans. Rien ne bouge à la surface. Pas d’onde de choc.
Avec les femmes, ça a changé des choses. En mieux je crois. En tous cas je vois bien que je suscite plus de jalousie qu’avant.
J’attire plus de femmes.
Et apparemment celles que tous ceux qui partagent avec moi le capital génétique XY trouvent les plus jolies et les plus attirantes. Ce côté détaché et mystérieux les fait fantasmer.
Et puis après quelques semaines elles me quittent ne me disant que je suis un salaud qui n’en a rien à faire d’elles…et c’est vrai. Leur sort ne m’importe pas. Et le fait qu’elles s’appellent Carmen, Svletana, Maïwenn ou Sophie, qu’elles soient blondes, brunes ou rousses, qu’elles hurlent mon nom pendant l’amour ou qu’elles pleurent quand je pars n’y changent rien.
Après un an, je me suis dit qu’il fallait peut-être que j’essaie de remédier à mon état. Comme je vous l’ai dit, je suis très conscient de ce qui m’arrive. Je me rends bien compte que je m’éloigne des vivants tous les jours un peu plus, que chaque jour est comme la veille pour moi. Ca ne me dérange pas, mais je m’ennuie. Tout m’est indifférent. La vie n’est qu’une suite d’actions mis bout à bout, sans aucun intérêt…
J’ai essayé une thérapie. Comme les médecins n’avaient rien à me proposer, je me suis construit mon propre programme. Je me suis confronté à tout ce qui pourrait me procurer une émotion. J’ai dépensé tout mon argent pour avoir les meilleures places dans les meilleurs spectacles. Opéra, danse, théâtre, cinéma, performances artistiques,….En vain. Autour de moi, les gens se pâmaient d’admiration se levaient pour applaudir à tout rompre, riaient à ne plus arriver à reprendre leur souffle, sanglotaient en silence. Je les observais en tentant de me rapprocher d’eux, de partager cet état. Mais la communion collective n’arrivait pas jusqu’à moi. Je ne pouvais que reproduire mécaniquement les stigmates de leurs émotions. Rien ne venait de moi.
Il fallait que j’essaie autre chose. J’ai pris un congé sabbatique. Et je me suis baladé de par le monde. J’ai vu des couchers de soleil qui faisaient s’embraser la mer et rendaient la terre rougeoyante, des étendues de steppe qui faisaient danser des montagnes en cadence, des déserts abolir toute notion de distance, des forêts s’étendre paisiblement sur l’intégralité du monde. J’ai vu des lionnes prendre soin de leurs petits, j’ai nagé avec des dauphins, assisté à la naissance d’espèces plus uniques et menacées les unes des autres….et toujours rien. Le grand vide, le néant.
Ma famille et mes amis à qui j’ai confié mon état ont essayé de m’aider. Au début j’ai été très entouré. Maintenant ils commencent à se lasser de voir que toutes les attentions qu’ils peuvent me porter ne me font aucun effet. Ils me voient de moins en moins. Je crois même qu’ils m’évitent. Je crois que je commence à leur faire peur. Je leur renvoie l’image de la fragilité de notre humanité et ils me détestent pour ça. Tant pis.
Alors. Que pouvais-je faire de plus ? Quel pouvait être l’électrochoc qui allait réveiller mon cerveau désensibilisé ? Qu’auriez-vous fait à ma place ? Je n’avais pas d’autres choix.
Je viens de tuer une femme.
Et je ne ressens toujours rien.
Pourtant j’ai choisi une jeune femme, mère d’un petit garçon. C’était ma voisine de palier. Je la connaissais depuis des années. Je suis entré chez elle et je l’ai torturé lentement avant de la tuer. Les heures passées avec assiduité devant ma série préférée m’ont servi pour cela. J’avais une réelle expérience virtuelle en tant que bourreau. Patiemment j’ai mis en œuvre ce que j’avais appris, épisode par épisode. Elle m’a supplié, elle a pleuré, elle m’a parlé pendant ces heures de souffrance. Mais elle n’a pas été capable de me faire changer. Comme ses cris me fatiguaient j’y ai mis un terme. Aucun remord, aucun regret, aucune émotion n’est venu perturber cette décision et ne vient troubler encore aujourd’hui ma quiétude d’esprit.
Je sais que ce que je viens de faire est qualifié par tous d’atroce, de barbare. Mais je ne suis plus comme vous. Je n’appartiens plus à votre race. Je suis en dehors du monde, aussi proche des humains que peut l’être un caillou. Ne me considérez pas comme un représentant dévoyé de votre espèce. J’ai muté. Je n’ai rien à faire avec vous.
J’ai donc décidé de me tuer.
Même ma vie m’importe peu. Tous ces moments qui s’enchaînent, ces gens que l’on croise, ces mots que l’on dit, ces gestes que l’on fait…Que de vaines gesticulations. Ce brassage d’air est un rouage mécanique pour moi. Une machine qui tourne consciencieusement jusqu’à une panne qui vous met hors service. Cela ne m’intéresse plus de participer à cette mascarade.
J’ai donc persuadé un médecin généraliste - quels naïfs ceux-là – d’un état dépressif chronique. C’était facile après tous les détails que les spécialistes m’avaient donnés sur la différence entre mon syndrome et un véritable état dépressif.
Je viens d’avaler toute la boîte de cachets que l’on m’a donné. Sur la notice, ils disent que le danger vient au dessus de 2 gélules prises en 24 heures. Je viens d’en avaler 32 d’un coup. Je n’ai jamais été fort en calcul mais là l’addition me parait gagnante.
Je suis déjà en train de lutter contre le sommeil pour finir mon histoire. Mes mouvements sont de plus en plus lents. Je sombre petit à petit dans une torpeur qui vient me submerger comme une vague qui monte inexorablement. Je voulais vous laisser cette lettre pour expliquer mon cas. Pour vous éviter de perdre du temps en conjonctures ridicules et en……
Attendez. Quelque chose se passe… Je RESSENS quelque chose. C’est très flou parce que je commence à ne plus être maître de mes mouvements et de ma pensée…. Mais c’est là.
C’est étrange de sentir ce cœur qui s’emballe, cette respiration qui se fait chaotique, ce corps si…enfin si….incontrôlable...
Je viens de comprendre ce qui se passe, ce qui est en train de parcourir chaque cellule de mon anatomie : j’ai peur. J’ai peur, peur de mourir. L’angoisse prend possession de tout mon être, « sur mon crâne incliné, plante son drapeau noir ». Ce spleen est la plus belle, la plus merveilleuse chose qui soit !!! Vous vous rendez compte. Je ne suis pas complètement perdu pour l’humanité. C’est génial !
J’ai retrouvé un visage d’homme.
Je suis vraiment à bout de forces. Il m’est de plus en plus difficile de respirer. Non, pas maintenant. Pas alors que je suis en train de m’endormir. Je vais arrêter cette lettre et essayer d’arriver jusqu’à mon téléphone. Il faut que j’aille faire un lavage d’estomac. Il faut que je vive. Que j’explique. Que….Oh mon Dieu, aidez-moi. Il faut que je m’en sorte. Je n’ai pas envie de………
(lettre trouvée auprès du corps de Julien D., décédé le 13 mars 2007)
....Volà....Pour une fois j'aimerai bien avoir vos commentaires. En toute franchise. Allez svp, aidez-moi à m'améliorer.
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